En Alsace, le nombre des mineurs non accompagnés ne cesse d’augmenter

Publié : 20 janvier 2024 à 6h00 - Modifié : 22 janvier 2024 à 9h51 par Maud Karst

Tariq, à gauche, et  Samiullah, à droite, racontent leurs parcours depuis leur arrivée en France.
Tariq, à gauche, et Samiullah, à droite, racontent leurs parcours depuis leur arrivée en France.
Crédit : CEA

La gestion de l'accueil des mineurs non accompagnés se heurte à de nombreuses difficultés. En effet, le nombre de mineurs non accompagnés explose. La Collectivité Européenne d'Alsace (CEA) alerte l'État sur cette situation et demande une aide financière plus importante.

En un an, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) pris en charge a plus que doublé, passant de 400 à 910. L’aide sociale à l’enfance représente le plus gros budget de la collectivité. Sur les deux milliards d’euros, 350 millions sont consacrés à cette mission, dont 22,4 millions pour la gestion et l’accueil des MNA en Alsace. 

C’est suite à un nombre croissant d’interrogations à ce sujet qu’une conférence de presse a été organisée au siège de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA). L’occasion pour Frédéric Bierry, président de la CEA de revenir sur les chiffres clés concernant les mineurs non accompagnés, sur les difficultés rencontrés dans l'application de sa politique, ainsi que sur la stratégie mise en place. Accompagné du directeur de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), Ludovic Marechal, le Président de la CEA commence par rappeler l’importance de cette action pour le département : “C’est une mission qui nous tient à cœur. Mais on a des difficultés avec des arrivées toujours plus nombreuses, avec des situations qui sont de plus en plus complexes, et une forte augmentation des troubles du comportement. Il y a également des difficultés dans le recrutement”.

Des difficultés croissantes 

Une situation complexe qui ne risque pas d'aller en s'améliorant au vu du contexte actuel. Entre crises climatiques, tensions mondiales et pauvreté, les migrations ne vont pas ralentir dans les années à venir. La hausse des arrivées de ces jeunes isolés est constante et a lieu partout en France.

La situation transfrontalière de l’Alsace ajoute parfois son lot de difficultés : “Il y a aussi des situations où nos amis allemands nous ont déposés des jeunes MNA”, témoigne Frédéric Bierry. Il devient de plus en plus difficile de trouver des solutions d’accueil pour la mise à l'abri de ces jeunes. La  mise à l'abri est obligatoire pour les jeunes déclarés mineurs après une évaluation. “Avec une entrée massive, il faut pouvoir offrir des capacités d’accueil et de mise à l'abri importantes [...] nous pouvons avoir recours au système hôtelier pour répondre à l’enjeu. Mais entre le 15 novembre et le 24 décembre, en Alsace, il est fermé. On a donc été en grande difficulté en cette fin d'année”, explique le directeur de l’ASE.

“Beaucoup de très belles réussites”

Des difficultés qui ne découragent pas les différents acteurs impliqués dans la prise en charge de ces mineurs isolés. Le directeur de l’ASE, Ludovic Marechal, rappelle des chiffres édifiants : “ 90 % des mineurs non accompagnés qui sortent à 18 ans, sont en situation de formation ou d’emploi. Contrairement à ce qui est véhiculé ici ou là, ils ne viennent donc pas profiter de la CAF ou des prestations sociales”, avant de compléter : “Ça, c’est ce qui s’appelle un fantasme”.  

Tareq et Samiullah, deux jeunes Afghans, sont venus témoigner de leur parcours. Tous les deux sont arrivés très jeunes en France, vers 14 ans, après un périple de plusieurs milliers de kilomètres, qu’ils ont parcouru seuls et à pied. Tareq a intégré une classe UPE2A (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones nouvellement Arrivés) à son arrivée, pour ensuite faire une formation d’installateur thermique. Aujourd'hui, il est en stage dans une entreprise au nord de l’Alsace. Quant à Samiullah, après avoir suivi une formation dans le commerce, il est maintenant en contrat avec une célèbre enseigne de vêtements en tant que vendeur. 

Une des missions les plus importantes est "de réaliser un parcours d’insertion et d’intégration, en deux à trois ans en moyenne", détaille Ludovic Marechal. En effet, l'âge moyen d’arrivée de ces jeunes est d’environ 16 ans pour les garçons, et de 13 ans pour les filles. L’objectif est de permettre aux MNA de s’insérer et de s’intégrer avant leur majorité. Convaincue de l’enjeu que représentent l'intégration et l'insertion, la CEA a lancé un appel à projet pour faciliter ces objectifs. Quatre modules de formation seront proposés sur quatre thèmes différents : "Les valeurs de la France", "La place de la femme", "La laïcité" et "Qu’est-ce que l’Alsace". Le dispositif devrait être lancé en septembre prochain. 

Et l'État dans tout ça ? 

Le Président de la CEA entame sa prise de parole en rappelant très rapidement que : “Les collectivités départementales sont compétentes en matière de protection de l'enfance”. Malgré les difficultés rencontrées, Frédéric Bierry reste très attaché à cette compétence et à cette mission : “Les départements disposent d’une véritable expertise en la matière”. Cependant, le soutien de l'État reste trop faible selon lui. Sur les 22,4 millions alloués aux MNA, l'État participe à hauteur de 600 000 €. “On a besoin d'une contribution financière de l'État", argue Frédéric Bierry, avant de continuer : "Les mineurs non accompagnés, cela représente 22 millions d'euros. Aujourd'hui, moi je considère que ce sont des mineurs étrangers qui relèvent de la politique migratoire de l'État". Après une fin d’année 2023, où les difficultés de trouver des logements se sont fait particulièrement sentir, la loi Taquet 2022, qui interdit le placement à l'hôtel des mineurs et jeunes majeurs confiés à l’aide sociale à l’enfance, a renforcé encore les exigences vis-à-vis des départements. Plus globalement, le Président de la CEA tire la sonnette d’alarme sur les accompagnements sanitaires et en soins manquants dans l’aide sociale à l'enfance en général. 

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