Pas de géant pour ce dessinateur de Niederbronn
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A 32 ans, Romain Rousseaux-Perin, qui vit à Niederbronn-les-bains depuis plusieurs années, est entré dans la grande cour de la bande dessinée, grâce à une collaboration avec un scénariste de poids, Jean-David Morvan.
Les carrières prennent parfois des tournures inattendues, au détour d'une rencontre, ou d'un coup de bluff. En 2017, Romain Rousseaux-Perin est à Reims, et il va assister à une dédicace de Jean-David Morvan (Madeleine Resistante, Sillage, Mon Année ou encore Troll...), avec ses dessins sous le bras, lui l'autodidacte qui n'a fait aucune école de spécialisation. Un échange, court, et ça accroche entre les deux hommes. Quelques années plus tard, ils collaborent sur une histoire en deux tomes, "Rue de la Grande Truanderie", qui retrace l'aventure socologique méconnue et pourtant extraordinaire des familistères. Rencontre dans un petit atelier de Niederbronn les Bains pour cet Alsacien d'adoption.
Top Music : Romain, on commence par le commencement ! Qui es-tu et comment es-tu arrivé dans la bande dessinée ?
Romain : J'ai 32 ans, je suis originaire de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Ma compagne est Alsacienne, et je suis venu dans la région, à Niederbronn il y a un 5 ans. J'ai un parcours un peu sinueux. Après le bac, il fallait choisir une orientation, et les métiers de l’illustration ne m’intéressaient pas plus que ça. Je n'avais pas envie de faire une école, j’aimais apprendre tout seul, et puis les parents voulaient que j'aie un « vrai » métier. Je me suis orienté vers l’architecture qui mêlait le dessin et c'était quelque chose d’honorable pour les parents (rires) ! J’ai fait ça 5 ans et je me suis senti pousser des ailes : j'ai fait un doctorat en sociologie qui m’a pris 8 ans, ça fait Bac + 13 ! Et depuis je fais de la BD, tout ça pour ça !
Et le dessin là dedans ?
J’ai commencé la BD en même temps que mon doctorat , c’était pas une bonne idée (rires). J'ai fait ma soutenance en décembre 2023, et depuis, ça va mieux niveau emploi du temps. Je ne voulais pas forcément en faire mon principal métier, mais plus le temps avance, plus je me dis que la BD c’est vachement bien, je suis peinard à ma table, pas trop de comptes à rendre... On a deux enfants, je m'organise, et on arrive à une vie quotidienne qui nous satisfait tous les deux.
Collaborer avec Jean-David Morvan, c'est un sacré premier pas dans le milieu... Comment s'est passée la rencontre ?
En 2017, il faisait une séance de dédicace à Reims, je lui ai montré ce que je faisais. Il m’a dit 'mais tu veux pas faire un vrai projet ?' Mais moi, le scenario, je ne fais pas... Et il a saisi la perche que je lui ai tendue. Il m’a d’abord proposé un projet porno, mais ça me disait pas trop... Et il est revenu avec ce scenario qu’il avait dans un carton depuis une vingtaine d’années.
J'ai découvert ce sujet des familistères, et je suis étonné que ce soit si méconnu en France... Pour un sociologue comme toi, ça devait être un bonheur à traiter !
Ah oui, pour un architecte sociologue, ça colle plutôt bien ! L’histoire des familistères, c'est une idée qui a fait date, mais qui est très peu connue alors qu’elle mériterait d’être connue pour son côté avant gardiste, le confort pour la classe prolétaire. C'est assez impressionnant pour l’époque. Ça a duré 100 ans quand même. Le renouvellement ne s’est peut être pas assez fait, il ne s’est pas assez adapté à son époque, à l’évolution de la société d’après-guerre. Ils sont peut-être trop restés fidèle à une idée qui correspondait à une époque.
Il y a eu des travaux de réhabilitation du familistère de Guise, ce qui m’a étonné c’est que Jean-David ai eu l’idée il y a 20 ans ! A l’époque c’était à l’abandon, on l’appelait le tas de brique. J’ai dormi une nuit dans l’aile droite, on sent que c’est pas le rêve d’habiter là. Aujourd’hui ça coûte trop cher à rénover pour en tirer quoi ? Guise, c’est 5000 habitants, c’est totalement surdimensionné comme endroit, mais on ne peut pas ne rien faire.
Du coup, je n'ai pas eu besoin de revisiter, je connaissais. J’ai pris des photos, j’ai dessiné les caves, et finalement ça colle. Quand les gens viennent en dédicace, on voit que ça suscite une vraie curiosité, le sujet intrigue. Quand on voit sur le papier ce que c’était, on se dit c’est dingue que ce soit pas connu. Il faut le voir pour se rendre compte !
Combien de temps a pris ce projet ?
Ça aurait pu prendre un an, mais ça a pris 5 ans, parce qu’on avançait chacun à notre rythme... Mais c’est pas très grave, parce que le tome 1 n'est jamais attendu. En fait, il est fini depuis 3 ans, mais l’éditeur préférait attendre que le tome 2 soit bien avancé.
J'ai remarqué que Morvan travaillait souvent avec un style de dessin qui varie assez peu. Est-ce que tu as eu des consignes en ce sens ?
Pas du tout. J'étais très libre au niveau du dessin. Jean-David ne m'a d'ailleurs jamais demandé de reprendre un dessin. Dans le scenario j’ai parfois des indications très succinctes.
Travailler avec Morvan, pour toi, c'est une belle porte d'entrée !
C'est indéniable ! Dans la BD, pour réussir à se faire publier, il faut être là au bon endroit, au bon moment, pouvoir discuter avec l’éditeur et Jean David ça ouvre pas mal de portes. Après, on montre qu’on sait faire, qu’on peut nous faire confiance jusqu’au bout.
Quels conseils tu donnerais à des jeunes qui veulent se lancer dans le dessin ?
Déjà, il faut aimer ça, ne rien lâcher, c’est un métier exigeant, qui demande beaucoup de travail et qui rémunère peu. Heureusement que j’ai un truc à côté puisque j'enseigne en école d’architecte. Après, je dirais qu'il faut éviter de vouloir reproduire ce qu’ont déjà fait d’autres auteurs. Il faut trouver sa patte. Il y a une erreur, c’est de reproduire les dessins. Il faut reproduire ce qu’on a autour de nous. Il faut dessiner la voiture comme moi je la vois, et pas comme je-sais-pas-qui. Certains sont dans le mimétisme de grands noms de la BD. J’ai un dessin classique, mais c’est le mien. Dessiner ce qu’on voit, c’est la meilleure école. L’observation c’est la meilleure école.
Le Tome 1 est disponible dans toutes les bonnes librairies ! Sortie du Tome 2 prévue en février 2026
Le familistère de Guise ? A la tête d'une usine de fabrication de poêle, Jean-Baptiste André Godin emploie 1500 ouvriers à Guise, dans l'Aisne. Inspiré par des thèses sociales, il va proposer de les installer dans des logements où les familles bénéficieraient d'une école, d'une piscine pour apprendre à nager, mais aussi de fournir des aliments de qualité ainsi que de mettre en avant les questions d'hygiènes. Cette "expérience" sociale révolutionnaire ne connaîtra pas d'écho ailleurs en France, et prendra fin en 1968 dans un anonymat presque général. Une histoire de France à découvrir dans cette BD, ainsi qu'avec des documents historiques publiés en fin d'ouvrage. |

Journaliste généraliste, mais avec un attrait pour le sport, Sébastien est diplômé de l’Ecole de Journalisme (EDJ) de Nice. Après être passé dans plusieurs médias, aussi bien en radio qu’en TV ou en presse écrite, il a posé ses valises à Top Music en 2013. Expertise : Le sport (football et tennis en particulier), la musique, la photo