Romain Heinrich, un Alsacien aux JO d'Hiver de Pékin
Publié : 19 janvier 2022 à 10h30 par Sébastien Ruffet
Les Jeux Olympiques d'Hiver s'ouvriront le 4 février à Pékin. La liste officielle de l'équipe de France sera connue dans quelques jours, et Romain Heinrich, en bobsleigh, devrait y figurer.
Vous êtes sûrement peu nombreux à connaître le bonhomme, et pourtant c'est sans doute un des plus extraordinaires athlétes d'Alsace ! Romain Heinrich est né il y a 32 ans (ou presque) à Colmar, le 18 janvier 1990. Kaysersberg, Ribeauvillé, une classe prépa à Strasbourg, c'est donc un Alsacien pur jus qui s'exporte à 19 ans à Grenoble pour poursuivre ses études d'ingénieur. Avec un peu de temps pour faire du sport, il commence par le lancer de poids, et arrive très vite à un niveau national. La vie va lui proposer un premier virage à négocier : "J’étais pas loin de la piste de la Plagne, et ils identifiaient les profils qui pouvaient entrer dans le collectif junior de bobsleigh qui se montait. J’ai fait partie de ces profils, ce n’était pas une vocation de jeunesse, il n'y a pas de piste en Alsace, mais quand l’opportunité s’est présentée, je me suis dit pourquoi pas ! Je suis tombé très vite amoureux de ce sport, c’était en 2011, et là ce sont mes 3e JO..."
A une époque où l'équipe de France n'était pas très compétitive et en reconstruction, Romain saisit l'opportunité et expose ses qualités : 1m88, 105kg, 11''20 au 100m, et la puissance déjà appréciée en athlétisme. Au poste de pousseur, il bluffe son monde, et le collectif réussit même à se qualifier tout de suite pour les Jeux d'hiver de Sotchi en 2014, après seulement trois ans d'existance.
"L’effort de poussée ça va durer 5-6’’, on va courir 50, 60m, c'est très explosif ! Il faut beaucoup de force pour mettre en mouvement le bob." Et pour cause l'engin pèse entre 170 et 210 kg (bob à 2 ou à 4). "La 2e partie de la poussée, c’est une affaire de vitesse, avec des qualités athlétiques pures et dures, des gars dans mon équipe qui font 10.4’’ au 100m !" Quand on sait que la poussée initiale représente "30% du chrono final", on comprend tout l'intérêt de développer cette partie.
De pousseur à pilote
"Après les Jeux de Sotchi, j’avais atteint un rêve, une expérience exceptionnelle... J'arrivais à la fin de mes études, j'avais deux choix : entrer dans la vie active ou rester dans le monde du sport... A ce moment là, le pilote était très bon, mais pas issu de l’athlétisme, donc on était limités au niveau de la poussée. On a discuté avec la fédération : pourquoi pas mettre le meilleur pousseur au pilotage, et si ça marche on lui met d’autres bons pousseurs, et donc potentiellement un meilleur chrono..." Autrement dit propulser Romain Heinrich en première position et chercher des gars aussi fort que lui en poussée... Encore fallait-il que le Colmarien maîtrise les subtilités du pilotage !
"J’ai attrapé le virus", rigole celui qui a aussi validé son diplôme d'ingénieur. "Le pilotage c’est une affaire d’effort mental, de confiance en soi, de gestion des émotions, de prise de décision... Il y a de la visualisation, un gros travail de concentration. On part pour une minute de descente où le bob ne va faire qu’accélérer pour atteindre les 130km/h ! Il faut être capable de prendre les bonnes décisions le plus vite possible, donc il faut avoir mémoriser tous les scenarios en fonction de comment on sort d’un virage et de la trajectoire qu’on a envie de prendre sur le virage d’après." Son parcours d'ingénieur va aussi lui faire gagner du temps dans l'appréhension des réglages et des choix de patins pour l'appareil, en fonction des conditions de glisse. Les résultats arrivent assez vite, avec un premier podium en coupe du monde en 2019, un podium en championnat d'Europe...
Quelles ambitions aux JO ?
L'équipe de France côtoie désormais les sommets grâce à l'Alsacien et ses coéquipiers. De quoi rêver à une médaille ? "On est là, on est souvent bien placés, maintenant il faut trouver les petits centièmes qui nous manquent pour monter sur ces podiums internationaux... On s’entraîne dans l’optique d'une médaille, c'est un plan sur 4 ans qui s’est très bien déroulé pour pouvoir progresser. On arrive en forme, on fera partie des équipes qui vont se battre aux avant-postes. La piste de Pékin est très discriminante, la moindre erreur peut coûter cher niveau chrono, ce sera une affaire de régularité sur les quatre manches." Pour cela il faudra de la stratégie, et Romain n'en manque pas : "Sur chaque virage, j’ai trois plans : le plan A, le plan B et le plan Débrouille toi ! L’idéal c’est d’aligner les plans A parce que c’est la trajectoire qui va le plus vite !"
BONUS
L'objet fétiche
"Clairement l’objet fétiche c’est mon casque ! Déjà, c’est un élément de sécurité, mais j’en prends soin, parce que par exemple les conditions annoncées en Chine, c’est du -20 degrés, donc tu peux te retrouver avec de la buée sur la visière et être en stress dans la descente, et le but c’est d’être le plus calme possible quand on pilote. Comme tous les casques, il a une petite odeur de mousse, et quand je l’enfile et que je sens cette odeur, je me dis 'voilà, tu vas aller prendre tes sensations sur la piste, ton petit shoot d’adrénaline, ça va être cool'."
L'Alsace
"Ce qui me manque le plus, c’est la mauricettes, on en trouve pas ailleurs ! Ma famille est toujours là bas, mes parents, ma sœur, ma grand-mère, mes amis… J’ai quand même l’occasion de revenir régulièrement. Pour ce qui est du vin blanc, ça s’exporte facilement, donc j’en ai à la maison !"