Strasbourg : la justice annule le congé de santé gynécologique
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C’est une décision sans précédent en France. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le dispositif expérimental de congé de santé gynécologique instauré par la Ville et l’Eurométropole. Ce congé, qui permettait aux agentes de bénéficier jusqu’à 13 jours d’absence pour raisons gynécologiques, est jugé contraire au droit national.
Saisi par la préfecture du Bas-Rhin, le tribunal a estimé que la création d’un congé pour motifs gynécologiques ne relève pas des compétences d’une collectivité locale. Ce type de congé touche au statut général de la fonction publique, qui ne peut être modifié que par la loi nationale. Même sous forme expérimentale, la mesure n’est donc pas légale.
En l’absence d’un cadre législatif prévu par le Code général de la fonction publique, la Ville et l’Eurométropole ne pouvaient pas autoriser ces absences au titre des autorisations spéciales d’absence (ASA). La décision s’aligne sur la position du gouvernement, qui avait demandé dès mai 2024 aux préfets de s’opposer systématiquement à ces initiatives locales.
Une mesure expérimentale pionnière
Adopté les 22 et 31 mai 2024, ce dispositif pionnier prévoyait :
- Des autorisations spéciales d’absence (ASA) en cas de pathologies gynécologiques incapacitantes, comme les règles douloureuses, l’endométriose ou les symptômes de la ménopause ;
- L’aménagement des horaires et conditions de travail pour les agentes concernées ;
- Une campagne de sensibilisation à la santé gynécologique dans le monde du travail.
Entré en vigueur à l’automne 2024, ce congé avait déjà bénéficié à 67 agentes, pour un total de 260,5 jours d’absence accordés, sur la base de 118 certificats médicaux délivrés. Parmi eux, 36 concernaient des symptômes liés à la ménopause.
Une première en France : une jurisprudence est posée
Si les tribunaux administratifs de Toulouse et de Grenoble avaient suspendu des dispositifs similaires en référé, Strasbourg devient la première collectivité condamnée sur le fond. Ce jugement fait désormais jurisprudence, alors qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur recommande depuis mai aux préfets de systématiquement contester ces délibérations locales.
La Ville et l’Eurométropole de Strasbourg feront appel
Face à cette décision, les réactions des élues locales ont été immédiates. Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole, exprime sa déception :
« Ce dispositif expérimental a démontré sa pertinence. Nous restons pleinement mobilisés pour améliorer les conditions de travail des agentes. »
Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, annonce que la collectivité fera appel de la décision :
« Une femme sur deux s’est déjà absentée pour des douleurs gynécologiques. Nous continuerons à plaider pour un cadre législatif clair. Les femmes ne peuvent pas attendre. »
Ce qui est maintenu
Si le congé est annulé, les autres volets du dispositif sont maintenus :
- Adaptation des horaires,
- Modulation du télétravail,
- Aménagements des postes,
- Formations des encadrants (455 participants à ce jour, dont 38 % d’hommes).
Ces mesures relèvent des obligations légales de prévention des risques professionnels et de promotion de l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique.
Cette décision met un coup d’arrêt à une initiative inédite en France. Le débat, lui, ne fait que commencer. Strasbourg, pionnière du congé gynécologique, devra désormais convaincre au niveau législatif.