Témoignage d'une infirmière de l'hôpital de Mulhouse
Publié : 19 mars 2020 à 19h00 - Modifié : 10 mai 2021 à 10h58 par Estelle Burckel
Ce jeudi matin dans le Morning Alsace, une infirmière des urgences de l'hôpital de Mulhouse a répondu anonymement à nos questions, concernant l'épidémie du coronavirus et la crise que traversent les hôpitaux de la région.
Erwan : Quelle est la situation des patients atteints du coronavirus à l'hôpital de Mulhouse ?
Infirmière : On en a de plus en plus tous les jours, le nombre est croissant, ça représente vraiment la majorité de notre activité aux urgences.
Erwan : Quelle est votre situation à vous, les infirmières ?
Infirmière : On travaille à flux tendu, depuis lundi heureusement on a des renforts qui viennent d'autres hôpitaux ou d'autres services. On attend là l'aide des militaires qui vont ouvrir un hôpital avec des lits de réanimation en plus.
Erwan : Au niveau des équipements, vous êtes toujours en manque ce matin de masques, gels hydroalcoolique, comment ça se passe ?
Infirmière : Pour l'instant, on a encore ce qu'il faut. Après, ça arrive au compte-gouttes donc on essaye de gérer au mieux pour ne pas être en manque. Mais pour l'instant en tous cas on arrive à se protéger correctement et on espère que ça va durer dans les jours à venir. Concernant les respirateurs, on devrait en avoir en plus qui devraient arriver incessamment sous peu, on compte dessus.
Erwan : Vous comptez beaucoup sur l'aide militaire, on parle de la date du 27 mars pour l'hôpital de campagne, vous avez des infos là-dessus ?
Infirmière : Alors on sait que ça nous fera à peu près 30 lits de réanimation en plus, à priori il devrait se trouver pas trop loin de l'hôpital et ça va être top. Ce qui nous faut surtout c'est des lits de réanimation pour pouvoir mettre nos patients qui vont pas bien et qui ont très souvent du mal à respirer.
Erwan : Parlons des patients justement, qui arrivent à l'hôpital depuis quelques jours. Ils arrivent dans quel état et quelle est leur tranche d'âge ?
Infirmière : Il y a de tout âge. Bien sûr les personnes à risque, ce sont les personnes âgées, mais on a aussi des personnes jeunes. Ce qui nous inquiète nous, c'est que ces jeunes sont touchés par le Covid-19, sans très gros problème de santé.
Erwan : avez-vous été confrontée vous, en tant qu'infirmière à l'obligation de faire un tri entre les patients ?
Infirmière : Alors moi personnellement non. Il en a effectivement été question à un moment mais là on souffle un petit peu parce qu'il y a tous les patients qui ont été transférés les deux derniers jours, on a un petit peu de place. Mais on ne sait pas comment ça va évoluer dans les heures qui suivent donc il faut voir comment évoluent le nombre de personnes atteintes et le nombre de personnes devant être en réanimation. Mais effectivement c'est le risque, de devoir faire un tri.
Erwan : C'est une impression ou est-ce qu'on commence à Mulhouse un peu à sortir la tête de l'eau, côté soignants ?
Infirmière : On a de l'aide, mais sortir la tête de l'eau, non. Parce que c'est quand même quelque chose de stressant. Il faut se protéger, on est tous les jours confronté à ça. Et le risque c'est de l'attraper aussi, de contaminer nos proches. C'est vraiment quelque chose de stressant pour les soignants, quels qu'ils soient, les infirmiers, les pompiers, les ambulanciers, les médecins etc.
Erwan : Justement, comment vous faites psychologiquement pour travailler avec cette crainte ?
Infirmière : On a choisi notre métier, on sait très bien qu'il y a des risques d'épidémie, de pandémie. Oui c'est stressant mais on n'y pense pas non plus toute la journée parce que nous on est là pour soigner les gens, pour nous occuper d'eux. On y pense surtout quand on rentre chez nous, quand on a un petit moment de repit, voilà.
Erwan : Vous, les personnels soignants de Mulhouse, vous avez des raisons d'être en colère aujourd'hui ?
Infirmière : Un petit peu, enfin personnellement je suis un peu en colère contre le gouvernement qui n'a pas trop pris la mesure de cette catastrophe sanitaire. On aurait dû mettre des moyens plus rapidement, mettre en place un confinement plus tôt. Après avec des "si", on refait le monde, mais c'est vrai qu'il y a un peu d'amertume par rapport à ça. Et puis surtout, ça fait un an qu'on est en grève, on a toujours pas eu de réponse, donc là oui effectivement il y a de la grosse colère, par rapport à ça.
Erwan : Comment vous réagissez aux applaudissements tous les soirs à 20h en Alsace et partout en France ?
Infirmière : On a entendu ça hier soir, ça fait effectivement très chaud au coeur. Alors merci beaucoup aux personnes qui font tout pour nous montrer leur soutien, soit par des applaudissements, soit par des améliorations du quotidien avec de la nourriture - exemple Poulaillon, Dominos... Donc un grand merci à tous, et un grand merci pour tous les messages de soutien qu'on reçoit.
Ecoutez l'interview en intégralité :