Pour éviter un surplus de 1500 poids lourds chaque jour en Alsace : l'écotaxe pour 2024
27 mai 2021 à 20h43 - Modifié : 8 novembre 2021 à 12h13 par Rédaction
On en sait plus sur l'ordonnance sur l'écotaxe alsacienne adoptée ce mercredi 26 mai en Conseil des ministres. Elle permettra à la Collectivité européenne d'Alsace d'appliquer d’ici 2024, une taxe déterminée par le nombre de kilomètres parcourus et le niveau de pollution des poids lourds. Frédéric Bierry, président de la CeA, nous en dit plus sur l’application prévue de cette écotaxe.
Concernant cette écotaxe sur les poids lourds, à partir de quand pourra-t-elle s’appliquer en Alsace et comment ?
"Nous sommes très heureux que le gouvernement ait validé l’ordonnance qui permet à la Collectivité européenne d’Alsace de mettre en place une taxe poids lourds. Cela dit, ce n’est pas une mise en place qui se fait en un claquement de doigts et ça suppose encore beaucoup de conditions pour que ce soit mis en œuvre. Au mieux, si les procédures étaient toutes respectées dans les délais, on parle de 2024. Avant, ça me semble compliqué. Ce qu’il faut ajouter c’est que nous avons la faculté de la mettre en place et pas l’obligation de la mettre en place.
Il faudrait expliquer pourquoi nous avons sollicité cette taxe. C’est parce qu’aujourd’hui nous subissons un trafic poids lourds nord-sud qui, normalement, devrait passer sur l’A5 allemande. Depuis la taxe imposée par nos amis allemands, ils se reportent sur le territoire alsacien. Ce qui fait que plus de 1500 camions se retrouvent tous les jours sur notre territoire alors qu'ils ne devraient pas s’y trouver. C’est ce qui a justifié notre demande.
Là où on est très satisfait, c’est qu’on a eu beaucoup d’échanges avec l’administration d’Etat, que ce soit au niveau local avec madame la Préfète ou au national avec le ministère des Transports, pour que cette ordonnance nous laisse une multitude de libertés : liberté de définir le réseau taxé, liberté dans les tarifs, liberté dans l’organisation.
Nous avons six ans pour la mettre en place. Ça suppose un travail en amont avec l’ensemble des acteurs économiques. Notre idée initiale est de taxer le grand transit : celui qui n’ajoute pas de valeur ajoutée, qui fait le trajet nord-sud européen sans s’arrêter ni livrer dans la région et qui contribue à créer des bouchons. Le droit européen ne nous permet pas de faire le tri. Ce que nous ne voulons pas avec cette taxe, c’est qu’elle mette en difficulté les acteurs économiques de notre territoire. Nous avons donc lancé en parallèle un travail que l’on va opérer avec l’ensemble du monde économique alsacien pour évaluer l’impact d'une éventuelle taxe. Nous ne voulons pas mettre en difficulté les entreprises alsaciennes."
Concrètement, quel sera l’impact de cette taxe dans notre quotidien ?
"Par exemple, nous avons mis en œuvre des interdictions administratives sur la RD83. On a interdit, depuis le 1er janvier, le trafic poids lourds de transit. Résultat : 30% de poids lourds en moins donc qualité de vie renforcée pour les riverains.
La taxe peut rééquilibrer les mobilités et faire en sorte que pour nos concitoyens il y ait moins de circulation sur les grands axes, ce qui fluidifierait les mobilités, ce qui sécuriserait et réduirait le nombre d’accidents, ce qui pourrait réduire la pollution et aussi créer des recettes pour l’entretien des routes. (…) Les moyens que cette taxe pourrait nous permettre de dégager seront destinés au service public de mobilité pour nos concitoyens."
Quelles routes sont visées ?
"Principalement les autoroutes. Mais nous devons veiller à ce qu’une taxation sur certains axes n’amène pas un transfert du trafic vers des plus petites routes du territoire. C’est pour cette raison que c’était très important pour nous que cette ordonnance donne une latitude très large sur notre capacité à taxer les poids lourds.
Nous sommes aussi sur des réflexions… Par exemple, le contournement de Châtenois, qui sera fini en 2022-2023. Cela va nous permettre de réduire le trafic dans les cols vosgiens. Pour moi, la taxe n’est qu’un élément nécessaire pour organiser et sécuriser les mobilités sur notre territoire. Ça ne répond pas à toutes nos interrogations. Nous ne la mettrons en place que si nous nous assurons que ça n’ait pas des conséquences trop fortes pour les entreprises alsaciennes. Ce que je souhaite aussi c’est que notre collectivité, après les échéances et lorsqu’on aura un certain nombre d’éléments de réponse, puisse solliciter et consulter les Alsaciens."
Allez-vous calquer le montant de la taxe sur celui pratiqué en Allemagne ?
"Effectivement, si on est trop en-dessous, les camions continueraient à passer. Il faudrait arriver à un équilibre entre les deux taxes."
Techniquement, comment va s’appliquer cette écotaxe ? Y a-t-il suffisamment de portiques ? Quel opérateur s’en occupera ?
"Là, il y aura plusieurs étapes : la première étape, l’étude d’impact sur les entreprises alsaciennes. Nous avons lancé l’appel à un maître d’œuvre qui va nous accompagner dans cette démarche. C’est en cours et on devrait, d’ici mi-juin, savoir quel opérateur va nous accompagner avec l’ensemble des transporteurs, à qui j’ai écrit pour leur dire qu’on allait travailler en toute intelligence avec eux pour limiter l’impact.
La deuxième étape, fixer le contenu du cahier des charges qui nous permettra de faire un appel d’offre européen pour choisir le type d’opérateur qui correspond le mieux aux enjeux potentiels du territoire. Il ne faut pas non plus que le coût de la gestion de la taxation soit trop élevé et mal géré, sinon ça peut coûter très cher. Nous n'avons pas pour objectif d’avoir des coûts de gestion trop lourds. Il n’y a pas beaucoup d’opérateurs capables de faire ça en Europe. On va devoir en présélectionner quelques-uns. Ensuite, on va essayer d’optimiser les portiques existants, ça paraît évident. Nous sommes allés voir ce qui est fait ailleurs, notamment en Belgique. Il y a encore un travail d’analyse à renforcer."
Retrouvez l'intégralité des propos de Frédéric Bierry, président de la Collectivité Européenne d'Alsace, en conférence de presse :