Archéologie : des surprises à Hochfelden
Publié : 25 mars 2022 à 7h57 - Modifié : 25 mars 2022 à 10h49 par Sébastien Ruffet
Bientôt, ce sera un Lidl. Mais ici à Hochfelden, c'est tout un pan de l'Histoire de l'Alsace que l'on retrouve dans les strates d'une terre étonnante. Des premiers agriculteurs... jusqu'aux Romains. Des visites sont organisées ce samedi 26 mars.
A chaque nouvelle construction, un sondage du sol doit être effectué. En gros, un coup de pelleteuse pour enlever la première couche de terre "récente", et voir ce que le sol nous raconte. Céline Oberlin est archéologue territoriale chez Archéologie Alsace : "On voit ici, à Hochfelden, ce sol un peu jaune. En grattant, déjà, on va constater des changements de couleur, signes d'une activité humaine. Cela peut être un silo à grain, une tombe, une construction." Pour cela, il faut donc creuser un peu plus profond et voir ce que le sol recèle.
Dans ce secteur, Céline et son équipe s'attendait à trouver des restes du Néolithique, autrement des vestiges d'il y a 7 000 ans plus ou moins. "Nous avons découvert plus de 5 000 ans d'Histoire, de l'époque pré-historique jusqu'à l'époque romaine, qui n'était pas du tout attendue. Des vestiges inédits de cette époque romaine avec des mausolées, des monuments funéraires de taille très imposante puisque le premier fait 8 mètres de diamètre et représentait la tombe d'un artistocrate de la région. Ce type de monument est connu plutôt du côté de la Belgique ou du Luxembourg. On en a du côté de Cronenbourg, mais de forme carrée. Cette forme ronde, c'est inédit en Alsace."
Si l'Histoire de l'Alsace se compte en millénaires, c'est parce que c'est une terre fertile, qui a très vite attiré les premiers agriculteurs. Le long de cet axe Brumath - Saverne, ce positionnement de choix ne s'est jamais démenti, puisque les Romains, puis les populations médiévales y ont aussi pris leurs quartiers. La ville d'Hochfelden est donc bâtie à l'endroit-même de ces premières installations. "On sait que le reste du village néolithique est de l'autre côté de la départementale", s'amuse Céline Oberlin. "Pour la partie romaine, en revanche, on n'avait pas vu venir. Ce mausolée de 3 mètres de haut contenait une urne funéraire en verre, avec des restes d'os à l'intérieur. Pourquoi ici ? La voie de chemin de fer que vous voyez, c'est l'ancienne voie romaine. On imagine que c'est quelqu'un de puissant qui a voulu qu'on puisse voir sa tombe depuis la route, pour rappeler à quel point il était important. C'est du m'as-tu vu."
Un mausolée de l'époque romaine, inédit dans sa forme et sa taille
Autre curiosité
Le site est donc déjà assez étonnant mais ce n'est pas tout. A l'étude de deux ensembles funéraires, les archéologues vont faire une autre découverte : "Sur le premier, on a six individus, tous des enfants. Sur le second, 19 individus dont 16 enfants, de 1 à 12 ans environ. Au Néolithique, on ne faisait pas de sélection par l'âge, donc on s'interroge. On a aussi une tombe très riche d'un enfant. En général, ce sont les gens importants dans la communauté, alors pourquoi cet enfant ? On met beaucoup de guillemets et de points d'interrogation sur ce site."
Pour éclairer leur lanterne, les os vont être envoyés à Sélestat pour être lavés et étudiés par une anthropologue, qui pourra amener un peu plus de précision sur les conditions de vie et peut-être les circonstances de la mort de certains de ces primo-alsaciens. Malheureusement, le sol très acide a fait disparaître une partie des squelettes, rendant un peu plus compliquée l'analyse. Commencées le 11 janvier dernier, les fouilles prendront fin en mai prochain, avant de laisser la place à un énorme chantier commercial. A chaque époque sa civilisation : des agriculteurs artisans qui se sédantarisent, les bâtisseurs romains, le médiéval et sa société codifiée, et puis nous... consommateurs. Aux collégiens présents ce jeudi après-midi, Céline demande ce que les archéologues du futur, dans 5 000 ans, découvriront de notre passage. Les réponses sont symptomatiques, et un peu tristes à la fois : "Du plastique ?"
L'anecdote pour dimanche midi
A l'étude des tombes, on voit que les individus ont été enterrés, souvent, avec un objet qui correspondait à leur quotidien. Une houe pour un agriculteur par exemple. Pour un meunier, une meule. C'est là que Céline Oberlin nous livre une précision étonnante. "A l'époque, il n'y avait pas de moulin, donc les céréales étaient broyées à la main pour faire la farine. On les frottait entre deux cailloux. Ici, on utilise du gré rose, mais le gré rose, ça s'effrite... Donc, dans la farine, on avait des petites poussières de gré, qu'on retrouvait dans le pain. Et ça, on le voit à l'étude des dents, les molaires sont beaucoup plus abîmées qu'ailleurs à force de manger des cailloux en gros (rires)." On imagine qu'au niveau de la digestion, on a aussi vu mieux dans l'Histoire de la boulangerie.
Céline Oberlin
67270 Hochfelden