Tailleur de pierre : métier d'une vie, métier d'avenir
Publié : 24 avril 2023 à 6h00 - Modifié : 25 avril 2023 à 8h40 par Sébastien RUFFET
Fabio Secco est installé à Steinbourg depuis 28 ans. Son métier : sculpteur. Depuis son atelier, et sur le terrain, il nous montre à quel point son art est vivant et a besoin de nouveaux talents.
L'accent est inévitable, et il vous accueille avec un café. Forcément, Fabio Secco est Italien. Les surprises de la vie ont conduit le natif de San Nazario, petit village pas trop loin de Venise, jusqu'en Alsace, à quelques encablures de Saverne, à Steinbourg. Posé sous un doux soleil annonciateur de printemps, Fabio raconte son passé dans l'hôtellerie de luxe, ses voyages et ses photographies, dans une autre vie. "Six mois en 5 étoiles, six mois à la belle étoile", comme il dit. Parachuté dans ce coin du monde où le vin est blanc et où la pierre est rose, Fabio se propose comme manoeuvre, sans savoir ce qui l'attend réellement. C'est chez un tailleur de pierre, et le coup de foudre va être immédiat.
"J'ai toujours aimé la créativité. Je suis autodidacte. J'amenais un bloc à la maison et au lieu de regarder la télé, je sculptais. Il y a beaucoup de liberté, et quand on n'a pas trop d'argent, ça remplace les voyages." S'il a forcément commencé avec le grès rose - la faute aux multiples calvaires, statues et autre soubassements - Fabio Secco s'est progressivement tourné vers la stéatite puis le marbre. Les idées arrivent, il prend ses outils et se lance, sans savoir s'il vendra ou non son oeuvre. "On ne sait jamais !", rigole l'artisan en allumant sa cigarette. "Des fois, je suis hyper fier et personne ne regarde, et d'autres fois ça m'a l'air nul et ça part en premier !"
Le sculpteur donne l'impression de tordre la pierre / @SR
Le chantier d'une vie
Il y a dix ans, Fabio Secco est missionné par la ville de Marmoutier pour restaurer l'ancien mur d'enceinte, en contrebas de la magnifique Abbatiale. S'ouvre alors un chantier social, avec des personnes au RSA / RMI, des jeunes de la mission locale ou en réinsertion. Des dizaines de personnes vont ainsi venir épauler Fabio dans ce qui est le chantier d'une vie. Avec les méthodes de maçonnerie à l'ancienne, le patrimoine reprend vie, sous le regard toujours admiratif des badauds. "Les gens s'arrêtent, ils prennent des photos, et pour les jeunes, c'est très valorisant. C'est montrer que ce sont de beaux métiers, avec du concret, quelque chose qui reste à la fin, donc on peut être fier."
Car c'est l'autre combat de celui qui sera bientôt à la retraite, avec ou sans réforme. "On oppose toujours métiers intellectuels et manuels. Mais quand vous êtes maçon ou électricien, il faut être capable de faire des devis, des plans, il y a une grosse réflexion. Tous ces métiers doivent être revalorisés : les salaires, et l'image qu'on leur donne."
On l'oublie trop souvent mais ces métiers que l'on pense perdus dans le passé sont en fait tout à fait à la mode, et ils recrutent. "La pierre a beaucoup plus de qualités que le béton, c'est plus écologique, plus économique, elle isole mieux... On cherche énormément de tailleurs de pierre mais aussi des charpentiers, avec le retour des maisons à ossature bois." Preuve en est, au cours de ses chantiers d'insertion, Fabio a ouvert les yeux et la voie à plusieurs jeunes. "Quatre d'entre eux ont passé leur CAP de tailleur de pierre, et ont aujourd'hui du travail, dont l'un à l'oeuvre Notre Dame. Deux autres ont passé un équivalent maçon." Désoeuvrés, paumés, ces six jeunes ont donné un sens à leur vie en maniant quelques outils simples. Et dans la voix et le regard de Fabio, on sent que ça aussi, c'est une grande fierté.
Fabio devant le gigantesque mur rebâtit selon des méthodes anciennes à Marmoutier / @SR
Avant le chantier mené par Fabio Secco, il ne restait que quelques fragments de mur / @SR
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A NOTER
Un week-end "portes ouvertes"est organisé les 29 et 30 avril à l'atelier de Fabio Secco, en présence d'autres artistes (peintres et sculpteurs)
Adresse : 4 rue de la Bergerie, à Steinbourg (10h-12h / 14h-18h)