Police - "Les gens nous aiment quand il y a Charlie"

20 décembre 2018 à 12h45 - Modifié : 10 mai 2021 à 10h46 par Sebastien Ruffet

TOP MUSIC
Un métier de plus en plus difficile / @TopMusic

Les policiers français sont à bout. Matériel, rémunération, investissements, mais aussi défiance de la population : ils doivent faire face à une situation de crise sans précédent. Le point avec Henry Tholas, délégué social Grand Est du syndicat Alliance Police Nationale CFE-CGC.

Top Music : Les policiers se mobilisent partout en France, qu'en est-il à Strasbourg et en Alsace ?

Henry Tholas : Au niveau strasbourgeois, ayant été touchés par les graves événements de la semaine dernière, il est évident que nous ne pouvons pas laisser le marché de Noël sans surveillance, et sans l'apport massif des forces de l'ordre. Tout sera fait comme à l'accoutumée. En ce qui concerne la fermeture de notre centre au Heyritz, vu l'importance de la ville, c'est impossible. Les victimes seront toujours accueillies. Le mouvement est néanmoins suivi, "a minima", avec des patrouilles de police qui ne sortiraient que sur réquisition d'urgence. Mais nous restons policiers avant tout. Malgré la fatigue accumulée suite aux gilets jaunes, aux lycéens et à la tuerie de la semaine dernière, la fermeture du Heyritz n'est pas possible.

C'est le paradoxe de la profession : comment se faire entendre tout en restant au service de la population, comme les pompiers ou infirmiers... ?  

Pour la base, c'est très difficile, par contre il y a les représentants des syndicats policiers qui se font entendre dans la région parisienne, qui sont reçus par le Ministre et les secrétaires d'Etat pour exposer toutes les difficultés des policiers. Nous n'avons pas le droit à la grève, depuis une loi de 1972... Ceci dit, il y avait eu un rassemblement important de policiers en civil dans les années 2000... Ils étaient descendus sur leurs jours de repos, et à Strasbourg, cela avait eu un impact assez conséquent. Nous pourrions le refaire, mais dans une période plus apaisée, puisque l'urgence ne le permet pas. Nous avons une éthique et il faut que l'on reste au service des autres. 

Un gendarme de 23 ans vient encore de se suicider en Dordogne, ce sont des choses qui reviennent trop souvent...  On a envie de dire, il en faudra combien avant de recevoir le soutien de la population, des élus, du gouvernement... ? C'est aussi un sentiment d'abandon qui vous anime ?

Totalement. Nous voyons tout le temps le côté sombre de la société. Quand on nous appelle, c'est dans l'urgence : violence, accident... Il faut déjà avoir une vie familiale et personnelle très structurée pour soutenir cette prise en pleine face du côté sombre de la société. 

Ensuite, les gens nous aiment quand il y a Charlie ou des événements aussi tristes et dramatiques, mais c'est très vite oublié, puisque la population ne voit que le côté répressif de la police. Nous sommes là pour "garder la paix" publique. Si on doit faire de la répression, c'est pour la sécurité des personnes : si une voiture est enlevée devant une bouche d'incendie, c'est pour protéger l'accès en cas d'incendie et faciliter l'arrivée des pompiers. Il y a beaucoup de choses comme ça qui sont mal perçues par la population mais qui sont là pour protéger la paix publique. 

Il y a eu des polémiques récemment sur des violences policières en marge de manifestations des gilets jaunes... Qu'est-ce que vous vous dites dans ces cas là ? 

Je suis révolté. Révolté que l'on pointe du doigt des choses qui sont très exceptionnelles, et sorties de leur contexte. Combien d'heures à se faire caillasser, insulter, avant ces faits que vous évoquez ? Combien de jours de fatigue et de "non-récupération" avant cela ? C'est toujours pénible de sortir des faits de leurs contexte.